« Il y a quelque chose de plus fort que la mort : c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants et la transmission, à ceux qui ne sont pas encore, du nom, de la gloire, de la puissance et de l’allégresse de ceux qui ne sont plus, mais qui vivent à jamais dans l’esprit et dans le cœur de ceux qui se souviennent » écrivait Jean d’Ormesson illustre écrivain, journaliste et philosophe français mort en 2017.
Vendredi 30 juillet 2021, Jacob Desvarieux, guitariste, père du zouk et l’un des fondateurs du très célèbre et mythique groupe antillais Kassav, est mort à soixante-cinq ans des suites du Covid-19. Le chanteur était hospitalisé depuis le 12 juillet à Pointe-à-Pitre car il était contaminé par le coronavirus. Le père du zouk, savant cocktail de musiques traditionnelles et des sons antérieurs, était déjà d’une santé fragile à cause d’une greffe du rein. Mais son état avait été jugé stable par ses médecins. Celui qui disait interrogé à travers sa musique ses origines, fut avec le groupe Kassav, une icône dans le monde de la musique. Au milieu des années 80, le groupe a révolutionné le monde de la musique par ce style nouveau qu’est le zouk avec des titres emblématiques, festifs et dansants, chantés en créole. Des morceaux comme « Zouk la sé sèl médikaman nou ni » (Le Zouk est le seul médicament que nous avons), « Syé bwa », « Siwo », « Pa Bizwen Palé ». Jacob Desvarieux et le groupe Kassav atteignent rapidement la notoriété et engrangent des succès planétaires. Le groupe était très apprécié en France métropolitaine, en Afrique où il a même tourné le clip du morceau « Syé bwa » et partout dans le monde.
De très nombreuses réactions à travers le monde saluent cette illustre et immense voix de la musique et pleurent « sa voix, sa dégaine, son talent, sa joie, ce sourire, cette inclinaison de la tête et même sa salopette des débuts » pour citer Christiane Taubira, ancienne ministre française originaire de Guyane.
Au-delà de la simple musique qui vous emporte et vous fait danser, Jacob Desvarieux et le groupe Kassav, était à travers le zouk, en quête d’une identité. Une quête permanente de son origine. De l’origine de ces milliers d’africains des Antilles, de la Guyane, des Amériques etc. Une origine recherchée bien avant eux par bien d’autres africains à travers la littérature, les arts plastiques etc. De son origine de noir arraché à sa terre pour des contrées lointaines. « A travers notre musique, nous interrogions nos origines. Qu’est-ce qu’on faisait là, nous qui étions noirs et parlions français ? » qu’il disait, Jacob Desvarieux, l’homme aux cheveux grisonnants, à la voix envoûtante, douce et irrésistiblement entraînante.
Certes la voix de Jacob Desvarieux s’est éteinte ce vendredi 30 juillet 2021 mais, elle sera présente dans la mémoire et dans les oreilles des vivants comme une écharde dans la blessure. Comme une permanente présence de l’absence. Cette voix voilée restera plus forte que la mort puisqu’elle restera présente pour l’éternité dans la mémoire des vivants.
J.Gaba. Rédacteur en chef, Afrotank Magazine