Auteur du putsch qui a renversé le président Alpha Condé le 5 septembre 2021, le Colonel Mamady Doumbouya a prêté serment ce vendredi 1er octobre 2021 devant la Cour Suprême à Conakry. Par cette cérémonie de prestation de serment, il devient officiellement président de la République de Guinée. Étaient présents, des diplomates étrangers accrédités dans le pays, ainsi qu’une délégation malienne. Mais les chefs d’Etat des pays de la Cedeao ainsi que ceux des pays de l’Union africaine étaient quant à eux aux abonnés absents.
La journée de ce vendredi 1er octobre était déclarée fériée, chômée et payée sur toute l’étendue du territoire guinéen. Le choix de ce jour n’était pas anodin. En organisant sa cérémonie d’investiture la veille de la célébration de la fête nationale d’indépendance de la Guinée, le tombeur d’Alpha Condé, un démocrate devenu autocrate, fossoyeur des libertés et de la justice, lance un signal plein de symbole. Celui peut-être du libérateur du peuple guinéen du joug de la servitude, de l’injuste, des arrestations d’opposants. D’ailleurs, c’est ce qui aurait motivé son action ce 5 septembre 2021 au moment où il déposait le président Alpha Condé qui a fait modifier, contre l’avis de tous, la constitution du pays afin de briguer un troisième mandat. Si à l’intérieur de la Guinée le coup d’Etat est bien accueilli et fortement salué, à l’extérieur, il a provoqué un chapelet de protestations. Celles des pays de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest ( CEDEAO), de l’Union Africaine et de la communauté internationale. Les militaires, on le voit bien, ont à l’idée de remettre la Guinée sur les rails de la démocratie. Une démocratie dévoyée. Mais, malgré leurs bonnes intentions affichées, par exemple leurs engagements à ne point se présenter aux prochaines élections qui se seront organisées par la transition, la junte au pouvoir ne semble toujours pas avoir bonne presse auprès de la cedeao.
Une prestation de serment boycottée par la Cedeao et l’Union africaine.
A la prestation de serment du colonel Mamady Doumbouya ce vendredi 1er octobre, aucun Chef d’Etat ni de gouvernement des Etats membres de la Cedeao et de l’Union africaine n’étaient présents à l’exception du Mali. Ils n’ont tout simplement pas répondu aux invitations envoyées par le Comité national du rassemblement pour le développement ( CNRD), organe de transition. Seuls les diplomates des ambassades de la Russie, de la Chine, du Liban, des Etats-Unis étaient présents. On peut comprendre qu’il serait quelque peu difficile à ces hommes à la tête des pays de la cedeao qui sont pour certains d’entre eux au pouvoir grâce à un tripatouillage de leur constitution, à l’arrestation arbitraire et récurrentes des leurs opposants; aux privations de toutes formes de liberté et de contestation pour d’autres. La majorité d’entre eux rêvent donc d’un troisième, quatrième et cinquième mandat. Assister à la prestation de serment de celui qui a déposé par les armes, un des leurs, partisan de la présidence à vie, apparaît comme une onction, une bénédiction donnée aux militaires pour mettre fin au vilain, malsain et dangereux luxe de modification des constitutions et aux mandats indéfinis.
La Guinée se soucie comme d’une guigne de la Cedeao et de l’UA
Cette prestation de serment s’est comme on pouvait s’en douter, déroulée sans la cedeao et l’Union africaine, deux grandes institutions aux abonnées absentes. Des institutions de plus en plus décriées par les populations pour leur laxisme et leur soutien tacite aux présidents qui modifient à loisir les lois fondamentales de leur pays pour s’éterniser au pouvoir. Ces deux institutions, dont le rôle devrait être la protection et le bien-être des populations africaines, semblent plutôt être un conglomérat, un syndicat d’oppresseurs, de fossoyeurs des libertés et de la démocratie. Elles sont, aux yeux des populations, deux organisations qui protègent et défendent les intérêts des chefs d’États plutôt que ceux des populations. Mais le peuple de Guinée s’était soucié comme d’une guigne de la présence de la Cedeao ou de l’Union africaine sur son sol ce vendredi 1er octobre. Son principal souci est de vivre dans un pays où les lois sont respectées, un pays où la justice est impartiale, non politique et aux ordres. Un pays dans lequel la justice est réellement le dernier rempart des institutions et donc de la société. Un pays où les richesses nationales profitent à tous les citoyens. Pas seulement à une minorité. Un clan agglutiné autour du président. Un pays dans lequel les droits humains sont respectés. Que lui fait donc l’absence de ces chefs d’Etat à la cérémonie d’investiture de celui qu’il considère comme son libérateur? Que lui fait donc l’absence sur son sol (trop longtemps abreuvé du sang de ses fils martyrs) des chefs d’Etats qui se soucient peu de son bonheur ? Quid de Cedeao, d’Union africaine. Ces machins.
A la suite du coup d’Etat du 5 septembre, la Cedeao tout comme l’Union africaine, ont rapidement et fermement condamné le putsch, et le CNRD fait l’objet de sanctions. Ses membres sont interdits de sortir du pays et leurs avoirs gelés. La Guinée est suspendue de toutes leurs instances. Mais comme au Mali, la population apporte son soutien aux nouveaux dirigeants en qui elles voient des libérateurs. Des hommes qui pourront leur faire voir le soleil de la démocratie, de la justice, de l’égalité et du bien-être dont ils ont été trop longtemps privés par ceux-là même qui se disent démocrates. Combattant de longues dates de la liberté et de la justice.
Nana B.